I
Si ta fraîcheur parfois nous étonne tant,
heureuse rose,
c'est qu'en toi-même, en dedans,
pétale contre pétale, tu te reposes.
Ensemble tout éveillé, dont le milieu
dort, pendant qu'innombrables, se touchent
les tendresses de ce coeur silencieux
qui aboutissent à l'extrême bouche.
II
Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu'on ne lira jamais. Livre-mage,
qui s'ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés...,
dont les papillons sortent confus
d'avoir eu les mêmes idées.
III
Rose, toi, ô chose par excellence complète
qui se contient infiniment
et qui infiniment se répand, ô tête
d'un corps par trop de douceur absent,
rien ne te vaut, ô toi, suprêment essence
de ce flottant séjour;
de cet espace d'amour où à peine l'on avance
ton parfum fait le tour.
IV
C'est pourtant nous qui t'avons proposé
de remplir ton calice.
Enchantée de cet artifice,
ton abondance l'avait osé.
Tu étais assez riche, pour devenir cent fois toi-même
en une seule fleur;
c'est l'état de celui qui aime...
Mais tu n'as pas pensé ailleurs.
V
Abandon entouré d'abandon,
tendresse touchant aux tendresses...
C'est ton intérieur qui sans cesse
se caresse, dirait-on;
se caresse en soi-même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exaucé.
VI
Une rose seule, c'est toutes les roses
et celle-ci: l'irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses.
Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences,
dans la partance continuelle.